Il y a 50 ans, le 1er avril 1964, un coup d’Etat militaire mettait fin au gouvernement de João Goulart. Il brisait du même coup une possibilité historique d’implanter une réforme agraire au Brésil.
Politicien issu de l’Etat du Rio Grande do Sul (Sud du pays), affilié au PTB (Parti travailliste brésilien), João Goulart devenait président en 1961, suite à la démission du président Jânio Quadros (président de janvier à août 1961). Le 13 mars 1964, dans le contexte d’une forte poussée des luttes sociales, en ville comme dans les campagnes, João Goulart tenait un discours à 200 000 travailleurs massés devant la gare Central do Brasil, au centre de la ville de Rio de Janeiro. Il y annonçait une série de « réformes de base » – prise de contrôle par l’Etat de toutes les raffineries pétrolières privées via l’entreprise publique Petrobras, réforme urbaine limitant les prérogatives des grands propriétaires immobiliers, réforme électorale, extension du droit de vote aux analphabètes, réforme du système d’imposition, etc.
Une mesure allait particulièrement effrayer l’oligarchie brésilienne: la signature d’un décret annonçant la désappropriation, sans indemnisation financière, de toutes les grandes propriétés de plus de 500 hectares situées à une distance de 10 kilomètres de chaque côté des routes nationales et des lignes de chemin de fer. La proposition de réforme agraire rencontrait un fort appui populaire. Elle était la conséquence des intenses mobilisations menées dans les campagnes brésiliennes par les Ligas Camponesas (Ligues paysannes), mouvement paysan particulièrement bien enraciné dans la région Nord-Est du pays.
Un peu plus de deux semaines après le rassemblement de la Central do Brasil, le 1er avril 1964, un coup d’Etat militaire, salué par les grands médias, déposait le régime de João Goulart. C’était le début de plus de 20 années de dictature militaire. Une chape de plomb allait s’étandre sur le pays. Des milliers de militant-e-s, journalistes, ou simple suspects allaient être emprisonnés. torturés et exécutés. Dans les campagnes, les dirigeants des Ligues Paysannes allaient subir une violente répression. Le régime militaire allait annuler le décret de réforme agraire signé par Goulart, puis renforcer la concentration des terres agricoles, ainsi que leur ouverture aux investissements étrangers.
Le coup d’Etat mettait fin à une opportunité historique de démocratiser l’accès à la terre au Brésil, qui aurait modifié profondément la structure sociale du pays. Comme le souligne Rafael Vilas Boas, professeur à l’Université de Brasilia: « Le paysage monotone qui s’offre sur les bords des routes brésiliennes, marqué par la monoculture de commodities agricoles, presque dépourvue de végétation native, par de vastes déserts verts monochromes dépourvus de population, pourrait être différent si, il y a 50 ans, le destin du pays n’avait pas été frappé par une dictature civile et militaire (…) Aujourd’hui, les villes ne seraient pas aussi enflées et invivables en termes de mobilité, de ségrégation sociale, de systèmes de santé et d’éducation inconsistants. » (voir son beau texte écrit pour le site du Mouvement des Sans Terre – http://www.mst.org.br/node/15901)
50 ans après, la démocratie représentative est de retour. Des partis lourdement financés par les lobbies des latifundistes et des grands groupes économiques contrôlent le Parlement. Depus la fin de la dictature militaire (1985), aucun gouvernement (y compris ceux du PT, dirigés par le président Lula, puis Dilma Rousseff) n’a osé reprendre la proposition de réforme agraire faite par Jango en 1964.