2013, année noire pour la réforme agraire

Maïs transgénique de la multinationale suisse Syngenta, Sertão de Sergipe

Maïs transgénique de la multinationale suisse Syngenta, Sertão de Sergipe

Pour les travailleurs ruraux brésiliens, l’année 2013 restera comme un mauvais souvenir: la réforme agraire y a réalisé son pire score depuis la fin de la dictature militaire (1984): la présidente Dilma Rousseff (PT, Parti des Travailleurs) n’a désapproprié, en fin d’année, que 100 fazendas (grandes propriétés), de proportions réduites, bénéficiant à peine 5000 familles sans-terre à travers le pays. Pour rappel: plus de 150 000 familles attendent un lopin de terre sous les bâches des acampamentos. Dans l’Etat de Sergipe, seule une cinquantaine de familles – sur plus de 8000 acampadas – ont reçu une terre.

Une comparaison, pour prendre la mesure de la situation: en 2006, le président Lula accordait une terre à 117 00 familles (le meilleur chiffre de ses deux mandats); en 1998, le président Fernando Henrique Cardoso, pourtant grand ennemi des Sans-Terre et partisan des thèses néolibérales, accordait un lopin à 101 000 familles (Tous les chiffres sur les désappropriations et le nombre de nouveaux établissements sont de l’Institut National pour la Colonisation et la Réforme Agraire (INCRA, l’organe gouvernemental responsable pour la réforme agraire).

Bref: la réforme agraire est complètement bloquée. Il s’agit d’une option politique du gouvernement. Son prétexte officiel est qu’il veut favoriser le développement des assentamentos déjà existants, avant d’en créer de nouveaux. Il est démenti par la situation sur le terrain: les investissements en infrastructures dans les assentamentos trâinent en longueur. Dans tout le pays, 150 000 assentados n’ont pas encore de maison! Les priorités sont ailleurs: de juin 2013 à juin 2014, 20% des crédits publics étaient destinés aux petits agriculteurs, qui représentent pourtant 74% de la force de travail rurale, selon les chiffres du Ministère du développement agraire (MDA). Le 80% allait aux moyennes et grandes propriétés contrôlées par les entreprises de l’agronégoce, dont les exportations sont en forte hausse depuis dix ans, garantissant excédents commerciaux et devises destinées au paiement de la dette.

Comme nous le résumait Marluce Melo, coordinatrice de la Commission Pastorale de la Terre (CPT), région Nord-Est: « les grandes corporations contrôlent la terre, la nourriture, et les gouvernements à toute vapeur. Le Brésil est un microcosme de cet projet mortifère du capital. » Les défits pour les mouvements sociaux est grand: il s’agit, selon Marluce, de construire « un nouveau programme de réforme agraire qui ne concerne pas seulement les paysans, mais toute la société. Une réforme agraire qui regroupe les Sans-Terre, les indigènes, les quilombolas (descendants de communautés fondées par les esclaves en fuite), et tous les peuples traditionnels. La réforme agraire populaire annoncée par le MST sera seulement possible si ces populations assument leur responsabilité dans cette réalisation. Le défi est la construction d’une unité dans la diversité. »

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